Rencontre avec The Dynamics : "Bientôt au Transbordeur pour fêter le nouvel album !"

Rencontre avec The Dynamics : "Bientôt au Transbordeur pour fêter le nouvel album !"
DR Anthony Peyper

Leurs reprises de hits soul, rock ou pop en version reggae cartonnent sur Spotify, ils foulent les scènes des plus gros festivals européens comme Glastonbury, vont jusqu’au Japon, mais restent peu connus à Lyon. Rencontre au Voxx avec The Dynamics, épatant combo publiant son troisième opus, Drag'n'fly.

Revenons sur la naissance du groupe, qui n’en était pas un au début : c’était plutôt un sound-system ?

Stevie Levi : J’avais un ami qui habitait en France, à Lyon. Je suis parti le voir en vacances, on a commencé à parler de faire des trucs ensemble. Il a organisé une fête chez lui lors de laquelle j’ai rencontré Éric (Mr Day, ndlr), on a longuement parlé musique et c’est parti de là. Quelques mois plus tard, je suis revenu durant l’été, en 2003. On a joué dans un petit festival, avec trois chanteurs : la naissance du projet.

Mr Day : Quand Stevie est arrivé, je travaillais déjà avec Bruno Patchworks sur un autre projet, mais on avait fait quelques pistes de reggae en parallèle. Bruno avait envoyé à Stevie ces morceaux. Quand on a fait ses premières prestations live, au début, c’était juste des CD et trois micros, et c’est parti ! C’était vraiment sound-system, on a fait ça dans des bars, chez des copains, des petits festivals privés… On a vraiment commencé comme ça. On a sorti un premier 45 tour et, contre toute attente, il s’est super bien vendu. On en a donc sorti un deuxième, puis un troisième… 

Quel est votre rapport à cette culture mais aussi à la culture DJ ? Des gens comme Gilles Peterson vous ont joué dès le début…

M. D. : Avant The Dynamics, on était plusieurs à être DJ. Sans être professionnels, on jouait dans pas mal d’endroits à cette époque. On avait ce lien avec les clubs : on faisait danser les gens. On a donc été tout de suite connectés à ça, à la collection de disques, aller les jouer quelque part. J’ai fait aussi de la radio sur Brume FM pendant très longtemps. On avait donc toute une activité autour du disque, du club et ça a vraiment fait partie de notre inspiration pour The Dynamics. Stevie est arrivé de Bristol en plus, où cette culture est très présente.

S. L. : J’écoutais beaucoup de reggae, de soul, je chantais déjà dans des sound-systems en Angleterre. 

Bristol, ville mythique pour la musique et cette culture DJ : Smith & Mighty, Portishead… Ce mélange de soul, de post-punk, de reggae, de musiques électroniques, est-ce que vous l’avez retrouvé à Lyon ?

M. D. : Exactement, on était dans ce panel de musique, soul, hip-hop, les musiques électroniques qui arrivaient, la jungle et le dub, il y avait vraiment un mélange extraordinaire à cette époque - même dans ce que l’on jouait dans nos DJ sets, très éclectiques. Tout ça se téléscopait ! On baignait là-dedans et The Dynamics sont nés de ce mélange, de cette époque, on a toujours gardé cette façon de faire avec le groupe. Même sur le dernier disque, on n’a pas un son en particulier. 

À quel moment vous basculez du sound-system au groupe, quand est-ce que vous sentez ce truc particulier qui vous pousse à changer la dimension de l’aventure, à composer alors que les premiers 45 tours étaient tous des reprises ?

S. L. : Même si ça marchait bien en version sound-system, je crois que dès le début, on avait tous envie de faire aussi du live. Nous sommes tous compositeurs, certains morceaux étaient déjà commencés. Alors quand on a vu que ça marchait avec les reprises, on est passé à la suite. 

M. D. : On voulait retrouver le côté organique sur scène. C’est arrivé au moment où Groove Attack, un label allemand basé à Cologne, nous a signé. On avait fait une série de 45 tours, ils les ont tous pris pour les rassembler en album. À partir de ce disque, on a commencé à tourner beaucoup, on a fait des scènes de plus en plus importantes, donc il y avait aussi le besoin d’occuper la scène avec un peu plus de monde ! C’est venu petit à petit, même si on adore le côté sound-system pur et dur. D’ailleurs, quand on joue en live, on en garde l’essence : on a les machines, les effets, et la basse/batterie vient pousser tout ça. Ça reste la formule originelle, que l’on a juste étendue. 

C’est un label allemand qui vous signe ; souvent, vos grosses scènes sont sur des festivals en Europe, pas tant que ça en France. Comment se fait-il que ce groupe lyonnais marche mieux en Angleterre et dans le reste de l’Europe qu’en France ?

M. D. : Bizarre ! Comme on a sorti le premier disque sur un label allemand, on n’a pas été identifié comme un groupe français. Tant mieux pour nous, ça nous a ouvert des horizons plus larges. Mais du coup on a eu du mal à revenir et s’installer en France, peut-être à cause de ça aussi. C’est difficile de trouver pourquoi : est-ce que les programmateurs sont plus frileux ici ? On a fait des choses en France, mais beaucoup moins. On a peut-être moins de public ici. Mais on a bien profité de cette reconnaissance à l’étranger, c’est vraiment cool !

Vient ensuite le deuxième album, le premier conçu en tant que tel dès le départ puisque le premier compilait vos 45 tours. 

M. D. : Une évolution. Là, on avait déjà tourné avec des musiciens. On voulait que l’on retrouve sur le disque cette nouvelle formation, donc ça a été enregistré live contrairement à avant. En intégrant nos propres morceaux, que l’on avait composés à force de tourner, on ne voulait plus faire uniquement des reprises. On avait rencontré un clavier en Allemagne qui est venu jouer dessus, on a invité des gens. C’était beaucoup plus ouvert que le premier, que l’on avait enregistré entre nous en home studio

S. L. : Le deuxième album, c’était moitié-moitié entre les compos et les reprises.

On ressent chez vous l’influence de la culture mods, ne serait-ce que dans le choix de certaines reprises soul ?

M. D. : Oui, on vient de là pour dire les choses simplement. Ça a toujours été une source d’inspiration également. Toujours maintenant, donc ça peut se ressentir encore. On est connecté à cette culture, même si on a élargi le spectre. C’est notre point de départ et de référence. Je suis parti de là. Quand on a commencé The Dynamics, j’étais très soul, rythm&blues, les soirées mods avec DJ Spider, on a fait toute la période acid jazz, j’étais alors dans le Kool Kats Club. 

Le Kool Kats Club, n’est-ce pas le point de départ de toute la scène groove et soul qui s’est développée les années suivantes à Lyon, qui pourrait aller jusqu’à Voilaaa aujourd’hui ?

M. D. : Peut-être… Oui. Il y avait un peu avant le groupe de Fred Spider aussi, Hey! Bookmakers. Fred nous a rejoint dans les Kool Kats Club après. On a fédéré un peu toute cette scène à l’époque, on a joué avec Stani qui fera Le Peuple de l’Herbe après, il a fait des titres avec nous. On faisait toutes les premières parties des groupes anglais du moment : Mother Earth, Corduroy, Galliano… C’était magnifique, la même fraîcheur qu’avant. Vraiment ! Ça m’a replongé dans toute cette période, je crois que ça faisait vingt ans qu’ils n’avaient pas joué. 

Est-ce que vous vous sentez intégré dans une certaine scène lyonnaise aujourd’hui ? 

M. D. : Oui et non. Beaucoup de choses sont chouettes. Mais j’ai moins l’impression de “scène” que ce qu’il y a pu avoir avant. Mais c’est peut-être parce qu’on est moins connectés. Là, on commence à bosser avec des gens qui font du sound-system pour le prochain live, plus jeunes que nous, qui sont dans le dub. Mais il y a moins cette impression de connexion comme il y a eu entre DJ, groupes & co à une époque, où tout le monde avançait ensemble. 

Nous parlions de Spider : il vient de sortir une superbe compilation de jazz sud-africain !

M. D. : Il est formidable ! Sa compilation est magnifique. Ça a toujours été un personnage, énergique et rayonnant, qui a initié plein de choses à l’époque quand il était à Lyon. C’est extraordinaire de le voir continuer, sans jamais lâcher l’affaire, avec toujours autant d’énergie et de panache, de curiosité musicale… J’étais beaucoup avec lui quand il était là et j’ai découvert beaucoup de choses grâce à lui. Il habite à Cape Town, en Afrique du Sud, où il a un magasin de disques maintenant. C’est quelqu’un d’exceptionnel sur la scène. 

Parlons du nouvel album qui vient de paraître ?

M. D. : Ça fait longtemps qu’il est en gestation, qu’on en parle ; deux ou trois ans que l’on travaille dessus en filigrane. Ce qui a déclenché le fait de s’y mettre vraiment, c’est la reprise de Pharoah Sanders, car un festival à Cologne, Freedom Sounds - qui nous suit depuis le premier album, on est allé jouer là-bas plusieurs fois -, nous a appelé un jour, ils faisaient une compilation des groupes ayant joué chez eux. Et voulaient un morceau inédit, mais on n’en avait pas ! Alors on a enregistré ce morceau pour eux. On s’est du coup remis au travail et on est retourné jouer dans leur festival, on a retrouvé un public enthousiaste là-bas, qui nous a donné beaucoup d’énergie et on a décidé de finir enfin ce disque ! Petit à petit les morceaux sont venus… 

Côté reprises, vous avez fait quelques choix inattendus : Peter Gabriel ou encore le Dance de ESG, un gros classique du groove new-yorkais...

M. D. : Avec The Dynamics, il y a ce jeu de la reprise. Prendre un morceau et faire en sorte qu’on ne le reconnaisse pas trop. Aller chercher des titres vraiment pas évidents, ça fait partie du jeu. Peter Gabriel, ce n’est pas que j’aime tant que ça l’original, mais sur ce titre il était allé chercher une rythmique vraiment rythm&blues pour en faire une production années 1980. C’était intéressant, on en a fait une version funky reggae, comme si on était remonté dans le temps et qu’on en avait fait un original repris par Peter Gabriel ! Ça nous est d’ailleurs arrivé sur l’une de nos premières reprises, le Seven Nation Army des White Stripes : des gens pensaient que notre version était l’originale ! C’est drôle.  Dance de ESG, c’est une autre histoire : je l’ai en maxi vinyle, il n’a jamais quitté mon bac de DJ, je l’ai encore quand je viens mixer ici au Voxx, l’un des derniers endroits où je joue. ESG, c’est une période où tout mute, se téléscope, je trouvais ça pertinent d’en faire quelque chose aujourd’hui.  It’s a Man’s Man’s Man’s World, c’est Sandra Mounam notre chanteuse qui est arrivée un jour en nous disant qu’elle voulait un morceau féministe et qu’elle allait chanter ce titre. Je lui ai dit que ça allait être compliqué tellement c’était un gros classique, souvent repris… C’est pour ça qu’on est parti sur un truc complètement digital, différent.

Est-ce qu’il y un ingrédient idéal que l’on retrouve dans chaque morceau qui va faire une bonne reprise ?

M. D. : Pour It’s a Man’s Man’s Man’s World, justement, il n’y avait vraiment pas d’ingrédient et je ne voyais vraiment pas comment j’allais faire. Mais si tu parles de Dance ou de Seven Nation Army, tu as une grosse ligne de basse : à partir du moment où tu as ça, tu sais que tu vas pouvoir faire quelque chose. 

Comment on s’en sort quand on est un groupe indé comme vous aujourd’hui ?

M. D. : C’est difficile ! Plus qu’avant, même si on a la chance d’avoir du streaming. Notre Spotify fait de gros chiffres, donc on est contents parce que la musique se diffuse. Mais concrètement, ça ne rapporte rien du tout. Pour le reste, c’est devenu plus compliqué : on met moins de disques dans les magasins. On fait de plus en plus tout par nous-mêmes. 

Et Lyon ?

M. D. : Bientôt au Transbordeur, au printemps, pour fêter la sortie de cet album !

Propos recueillis par Sébastien Broquet

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