Sans doute le mythe antique le plus contemporain est-il le mythe de Cassandre, jeune princesse antique, qu'Apollon condamna à pouvoir prédire l'avenir tout en n'étant jamais crue. C'est sur une version très moderne du mythe qu'a travaillé Abel Quentin pour son deuxième roman, Cabane. Et très réelle puisqu'il met en scène, dans sa fiction, les avatars imaginaires des quatre chercheurs, auteurs en 1972 du célèbre Rapport Meadows — rebaptisé ici “Rapport 21” — sur les limites de la croissance.
Ils ont pour nom Eugene et Mildred Dundee, Paul Quérillot et Johannes Gudsonn. Ils sont quatre “comme les Beatles et les évangélistes”, écrit Quentin, mais surtout comme les Quatre cavaliers de l'Apocalypse car ce qu'annonce le rapport, c'est la promesse d'un effondrement mondial.
Si la population mondiale continue de croître au même rythme et de mener ce mode de vie qui tape un peu trop fort dans les réserves de la Terre, les carottes sont cuites. Pour le dire autrement, la course à la croissance économique à tout prix est un genre d'hérésie qui nous conduira plus vite à notre perte qu'à la richesse universelle sous l'arrosage permanent du fameux ruissellement.
Inutile de dire que, de 1972 à aujourd'hui, ce discours jugé catastrophiste est largement ignoré (de moins en moins). C'est ce vent monumental et les destins des “quatre de Berkeley”, entre calomnie, indifférence et compromission que conte Quentin, à la manière dont un Aurélien Bellanger injecte du romanesque pour mieux se farcir la froide réalité contemporaine. Dans un style plus foisonnant et enlevé, certes.
Et quand le roman part en quête du quatrième cavalier, Gudsonn, parti en vrille — n’en disons pas plus —, il prend instantanément des allures de quête quasi mystique et quasi mythologique.
Stéphane Duchêne
Abel Quentin, Cabane (Éditions de l'Observatoire ; 22€)
Rencontre avec l’auteur :
Quand ? Jeudi 21 novembre
Où ? Vivement Dimanche ; 4 rue du Chariot d’or ; 69004 Lyon
Combien ? Gratuit