Cédric Van Styvendael : “La culture doit faire un effort, mais on n’a pas tous les mêmes budgets” 

Cédric Van Styvendael : “La culture doit faire un effort, mais on n’a pas tous les mêmes budgets” 
Cédric Van Styvendael, un vice-président au cœur de l'actualité culturelle © Lyon Poche

Premier bilan des Grandes Locos, reprise dans son giron du Transbordeur et de la Chapelle de la Trinité, Reperkusound dans le flou, baisse des subventions aux Biennales, Festival Lumière, Musée des Confluences, Lugdunum et Nuits de Fourvière : il fallait interroger Cédric Van Styvendael en cette rentrée. Rencontre avec un vice-président à la Culture de la Métropole au centre de l’actualité.

La Biennale d’Art Contemporain a fait ses premiers pas aux Grandes Locos. Avez-vous eu l’occasion de la visiter ? 

Cédric Van Styvendael : C’est excitant ! Les Grandes Locos permettent d’accueillir des œuvres monumentales, qui marchent très bien dans ce lieu. Il y a une œuvre exceptionnelle, tournée dans une grotte où l’artiste [NdlR : Oliver Beer] a fait venir des chanteurs lyriques et des grandes dames et messieurs de la chanson. Une œuvre hypnotisante, apaisante. 

Ça marche très bien, pourtant c’est un lieu imposant. Les artistes se sont éclatés. Notamment celui [NdlR : Michel de Broin] qui travaille à la manière japonaise — quand on recouvre les fêlures de la céramique —, lui il refait ça en lumière sur toutes les cicatrices du bâtiment, du béton. 

Tout le monde me dit qu’à la Cité de la Gastronomie, ça marche hyper bien aussi. Que c’est une manière de redécouvrir le lieu. On a de plus le plaisir d’accueillir France Urbaine, le réseau de tous les élus culture en France, qui ont pu découvrir Les Grandes Locos. Tout va bien ! 

Lire notre article sur la Biennale d’Art contemporain

Les Grandes Locos, après trois événements (Nuits sonores, Lyon Street Food, Biennale d’Art contemporain) ressemblent d’ores et déjà à une réussite. Êtes-vous soulagés après les atermoiements et les erreurs au moment de la fin de Fagor-Brandt ?
CDS : C’est une sortie par le haut. C’est sûr, la fin de Fagor-Brandt a été difficile. Je comprends les polémiques, mais tout le monde savait qu’un jour, il y aurait une fin. À un moment, elle arrive. Il a fallu gérer ce moment-là. Le résultat est à la hauteur des espérances, c’est ce que nous disent les acteurs culturels qui se saisissent des Grandes Locos. 

Ce lieu est complexe, énorme, il amène des contraintes techniques nouvelles. Si ça marche, et j’ai envie de le mettre au crédit de notre équipe, c’est que l’on a fait ça dans une forme de confiance. Il y a eu des critiques sur Fagor-Brandt. Mais les acteurs culturels ont ensuite dit banco, on croit que la Métropole a envie d’ouvrir un nouveau lieu culturel à la hauteur de nos ambitions. À partir du moment où les gens sont dans la confiance, côté Métropole et côté culture, on fait des trucs qui tiennent la route.

Nuits sonores, certes ils ont eu de la chance : ils ont eu les quatre jours où il ne pleuvait pas en mai et juin, ça aide. Mais ils ont eu une fréquentation record ! J’étais à l’ouverture, j’ai vu une joie de gamin sur les visages qui rentraient et découvraient le lieu, la scénographie… Ça augure de belles choses pour la suite, on y travaille. 

De nouvelles idées ont-elles surgies maintenant que vous avez vu le lieu fonctionner ? Pour l’instant, il s’agit d’événements qui étaient à Fagor-Brandt. De nouveaux vont-ils être créés de toute pièce aux Grandes Locos ?

CDS : Déjà, il y a la ressourcerie. Le projet est quasiment finalisé, les équipes sont retenues. Les équipes sont également choisies pour la maîtrise d’œuvre de la réhabilitation de la Halle 9. Tant que ce chantier n’est pas engagé, on n’envisage pas d’événementiel nouveau, sauf demande très spécifique. Il faut qu’on finisse le chantier de réhabilitation des deux halles dont on s’est porté acquéreur avec la Métropole auprès du groupe SNCF. 

Dès que la première halle sera réhabilitée — c’est prévu pour fin 2026 —, bien sûr il faudra trouver un modèle pour que ce lieu fonctionne beaucoup plus qu’avec trois événements. On ne s’interdit rien : on consulte les acteurs culturels en ce moment, pour voir comment ils se projettent. La Métropole n’a pas l’envie d’en faire son lieu à elle. On veut trouver un modèle pour en faire un lieu de partage. Que ce soit ouvert au maximum d’initiatives. 

Je ne suis pas certain que la Métropole ait besoin de créer de nouveaux événements culturels. Il y a plutôt besoin de soutenir celles et ceux qui sont déjà là et parfois rencontrent des difficultés. On va rester très prudents sur la partie production d'événements métropolitains. 

On va faire des Grandes Locos un lieu de structuration de la filière, de soutien aux acteurs culturels, pour que ce soit un joyau partagé. On discute avec les Biennales, avec Arty Farty, plein de gens ; y compris Woodstower. Tout est ouvert et rien n’est décidé. 

Woodstower, actuellement en difficulté, pourrait s’y installer ? Ou relancer Wintower, son pendant hivernal ?
CDS : Je ne sais pas. J’attends de voir ce qu’il se passe avec Woodstower et de savoir dans quelle situation ils sont. Parce qu’ils ont été très fragilisés l’année dernière et si cette année le bilan était toujours difficile, il faudrait que l’on réfléchisse ensemble à des solutions. Je ne projette pas Wintower là-dessus, ils l’ont abandonné pour se recentrer sur Woodstower. 

Aujourd’hui, tout le monde est convaincu par Les Grandes Locos et celle qui l’est le plus, c’est Véronique Déchamps, la maire de La Mulatière, qui est devenue la première ambassadrice de ce lieu de culture dans la Métropole. On va aussi faire les choses avec elle. Pour l’instant, à vos idées, mesdames et messieurs de la culture : on sera à l’écoute. 

La Recyclerie : est-ce que les délais seront tenus ?
CDS : Le jury est en octobre. Tout est quasiment fini. On va se réunir avec les élus, après tout ce travail technique. On va ouvrir à l’automne 2025.  

Est-ce qu’une partie des Grandes Locos pourrait être ouverte avec un accueil du public à l’année et une programmation pérenne, en dehors des événements ?

CDS : Ça va dépendre du modèle de gestion future du lieu. Vu qu’on ne s’interdit rien, ce n’est pas impossible. Il faudrait que l’un des acteurs avec lesquels on discute à bâtons rompus se lance. Ça peut faire partie du modèle d’avoir des grands événements internationaux et en parallèle, des éléments de recette qui permettent de financer le projet… Pourquoi pas. 

Ce lieu va vivre. Les Grandes Locos ne sont qu’une partie du projet urbain de ces anciens ateliers de la SNCF. Il y a une surface très importante. Dans dix ans, ce sera un lieu de vie. Donc peut-être que ce sera aussi un lieu de vie culturelle permanent. Ça va se construire.

Comment se passe l’articulation avec le futur Ninkasi à côté, à La Saulaie, qui a du mal à boucler son budget en particulier pour sa salle de concerts ? Est-ce que ça peut faire évoluer votre vision des Grandes Locos ?
CDS : Je ne suis pas sûr que ça fasse beaucoup évoluer le projet des Grandes Locos. Par contre, on est en lien très régulier avec eux, pour que l’on pense bien l’écosystème culturel dans sa globalité. Il n’y a pas d’un côté Les Grandes Locos, de l’autre le Ninkasi : ça se parle et ils nous tiennent au courant de l’avancée du projet, y compris des contraintes budgétaires auxquelles ils sont confrontés. 

Pour nous, il n’y a pas de difficulté à faire cohabiter une salle de 1000 places, c’est le projet qu’ils ont aujourd’hui, en complémentarité avec Les Grandes Locos. On les avait même soutenus sur un projet d’occupation temporaire, qui devait se dérouler pendant Nuits sonores et qui pouvait aller jusqu’au début des Biennales, en face de la gare de métro. Ils n’ont pas pu le faire pour des raisons financières, 

On fait en sorte que ces deux projets se parlent. C’est intéressant de voir que La Mulatière va devenir une sorte de hub de la culture contemporaine. 

Les Grandes Locos deviennent le navire amiral du nouvel écosystème culturel de la Métropole, en pleine recomposition : pourriez-vous nous en définir les contours ? 

CDS : Ça peut donner l’impression que tout ça est très pensé. Mais ce sont beaucoup d’opportunités. Quand nous sommes arrivés, nous avions une politique culturelle très claire : la culture, c’est pour tout le monde. Iil faut absolument qu’elle aille rejoindre chacun là où il est. Pas de culture élitiste ou inaccessible. On a été attentifs à cela. 

On avait tout un enjeu sur la jeunesse et la culture, avec l’éducation artistique et culturelle. On a développé tout un panel d’actions : il nous faut rayonner sur la Métropole !

On s’est aussi dit que c’était intéressant d’avoir des équipements qui puissent être des lieux d’incarnation de cette politique culturelle. Les Grandes Locos sont effectivement… la locomotive — c’est un peu facile. Oui, c’est le navire amiral, car c’est un équipement important. 

La nouveauté, c’est que l’on a repris en gestion avec la Ville de Lyon — mais c’est nous qui sommes propriétaires — la Chapelle de la Trinité ; où l’on maintient l’esthétique baroque, mais avec une dimension formation, résidence, accès des jeunes à cette esthétique, et ce n’est pas rien. 

Nous sommes très contents de l’équipe qui s’est montée pour gérer ce lieu. Nous allons faire la remise des clés courant octobre avec Les Concerts de l’Hostel-Dieu et Superspectives. Nous avons beaucoup d’espoirs : Superspectives amène aussi une programmation décalée. Ça va être un lieu extrêmement intéressant dans la Métropole. 

L’autre sujet, c’est que l’on se positionne pour prendre le Transbordeur en gestion et assurer la prochaine DSP (délégation de service public). Pour nous, la question des musiques actuelles, des scènes émergentes et de l’accès des jeunes à cette culture est importante. 

On va commencer à avoir une galaxie de lieux emblématiques — on avait des musées, des événements, mais pas de salles en propre. Pour une Métropole qui se saisit de ces questions tardivement, on a rattrapé le retard. Tout le monde en est heureux, y compris les acteurs culturels.

Là, on est dans un moment difficile pour la Métropole au niveau du budget. On est retourné les voir. Nos discussions conduisent les cinq plus gros — Musée des Confluences, Lugdunum, Biennales, Festival Lumière et Nuits de Fourvière — à faire un certain nombre d’efforts. Ça démontre aussi le lien de confiance qui existe entre la Métropole et ses acteurs. 

Car le choix qu’on a fait dans ce moment de contrainte budgétaire, c’est d’interpeller les très grosses structures pour épargner les autres. Pour que l’on n’ait pas un coup de rabot unilatéral pour tout le monde. Ce sont des signaux importants de la confiance qui s’est installée entre la Métropole et les acteurs culturels aujourd’hui. 

Bruno Bernard, le président de la Métropole, sollicite des coupes de 15% dans le budget  de chaque délégation…

CDS : Je vais être transparent là-dessus. Il y a un cadrage budgétaire, la feuille de route qui est la mienne est en accord avec le président : c’est d’avoir réuni très tôt les plus gros acteurs culturels, les cinq plus gros exactement — Festival Lumière, Nuits de Fourvière, Musée des Confluences, Lugdunum, les Biennales —, pour échanger avec eux sur la situation. Et leur proposer une trajectoire qui fasse que ce soit eux qui participent à la baisse qui affecte mon budget. 

Pour que nous puissions maintenir tout ce qui se fait en matière d’EAC (éducation artistique et culturelle), de diffusion du spectacle vivant, de soutien à l’éducation artistique — je parle des conservatoires et des écoles de musique. 

J’ai eu face à moi des acteurs extrêmement responsables qui ont tous fait des propositions qui suffiront, je l’espère, à obtenir un arbitrage financier qui corresponde à ce qu’attend le président de la Métropole.

Parce que je considère, sans rentrer dans les détails, que la culture doit faire un effort mais qu’on n’a pas tous les mêmes budgets. Que celui de la culture n’est pas colossal ; et si on applique moins 15% stricto sensu sur le budget de la culture, on revient à l’avant 2019 en termes de budget. 

Ça ne permettrait pas d’être à la hauteur des lieux que l’on a repris en gestion et de l’ambition culturelle que nous avons sur le territoire. Pour l’instant, j’ai l’impression que le travail que nous avons fait rencontre une forme de satisfaction de la part du président. J’espère que ça suffira et que ce sera la contribution de la culture aux efforts budgétaires nécessaires. Sans fragiliser les évolutions mises en place depuis quatre ans. 

Parmi les évolutions mises en place, le budget de l’EAC, qui est passé de 90 000 € à 500 000 € et concerne les interventions dans les collèges, dont la Métropole a la responsabilité. 

CDS : Ça fait partie des budgets que je souhaite sanctuariser et qui ne seront pas affectés a priori par les propositions que j’ai faites au président. 

L’EAC, l’aide à la diffusion du spectacle vivant, les appels à la manifestation d’intérêt pour la structuration des filières, c’était notre engagement politique : ne plus nous occuper uniquement de l’événementiel. Tous les efforts financiers, on les a fait pour consolider la diffusion ou l’éducation. 

C’est aussi ça que je suis allé présenter cet été aux différentes structures, en leur disant que tant que les moyens étaient là, on a fait du plus pour financer ces politiques publiques. Je ne souhaite pas revenir en arrière. 

Maintenant que nous sommes face à une difficulté, je leur demande de participer à cet effort. Tout le monde comprend ce que l’on est en train de faire, du moins du côté des acteurs culturels : ils ont tous considéré qu’il y avait une forme de responsabilité de leur part à participer à ce moment de tension. Ils savent que ce n’est pas fait pour les fragiliser, que ce n’est pas une baisse faite de manière unilatérale, comme ils ont pu le connaître avec d’autres collectivités.

On est dans le dialogue, l’échange. C’était important que ce cadrage budgétaire ne vienne pas fragiliser celles et ceux qui ont le moins de moyens pour faire rayonner la culture sur le territoire. J’espère que je vais continuer à garder cet arbitrage et que c’est bien ce sur quoi on va atterrir. Ce sont des discussions collectives et je suis solidaire de l’exécutif. La proposition que j’ai faite au président, Bruno Bernard, devrait passer. 

Après, c’est sûr que s’il devait y avoir des efforts d’une nature aussi importante renouvelés l’an prochain pour les grandes structures… Elles m’ont déjà alerté sur le fait que la qualité et la quantité ne seraient plus au rendez-vous. Là, on va s’approcher de l’os côté budgétaire. Je serais vigilant à bien vérifier que l'on continue à donner les moyens à ces grandes structures de rayonner. 

Personne n’a intérêt à opposer grandes et petites structures. Ça se nourrit. Nuits de Fourvière, c’est un rayonnement incroyable : ça permet des co-productions avec l’Opéra, l’Orchestre National… La Biennale d’Art contemporain, ça fait travailler plein d’artistes sur d’autres lieux. Je ne serais pas de ceux qui victimisent les uns ou les autres. J’essaye de faire en sorte que chacun fasse des efforts à la hauteur de ce qu’il peut faire. 

Le Musée des Confluences va faire des efforts énormes [NdlR : 1 M€ de baisse de sa subvention] , ils ont été hyper pro dans la manière de réagir, sans hypothéquer la qualité de ce qu’ils produisent. C’est aussi le résultat de leur engagement, avec un public qui ne cesse d’augmenter. 

C’est dur, je sais que c’est compliqué pour eux, mais la confiance permet d’aborder tout ceci d’une manière sereine.

L’autre collectivité qui a fait des coupes drastiques, c’est la Région, qui avait agi d’une manière beaucoup plus brutale, parfois de manière incompréhensible dans ses choix et son argumentation. Deux questions : avec le temps, avez-vous compris la logique de ces coupes et le discours de redistribution vers le milieu rural ? Et avez-vous renoué un dialogue avec la Région ?

CDS : Ce qu’il s’est passé a été très, très dur. Ce n’est pas sérieux, la manière dont ça a été mis en place. Ça a fragilisé des acteurs, ça a été unilatéral, ça a sorti des structures de la sécurité d’accords tripartites qui existaient très longtemps. Une très mauvaise séquence pour les acteurs culturels. Très peu lisible, aussi : je t’enlève 5000 et puis je te remet 200 000 si tu fais ce que je veux… dixit l’Opéra. Ce n’est pas des manières de faire.

Autre exemple : le Musée Urbain Tony Garnier, à qui on supprime la subvention, puis on la remet, puis on la re-supprime.
CDS : Voilà. Ça a été une erreur, mais nous sommes dans une nouvelle gouvernance : j’ai envie de laisser quelques semaines ou mois au nouveau président de la Région pour ouvrir des possibles. Je n’ai pas envie de réinstaller la guerre, je considère que Laurent Wauquiez a la responsabilité de cela. Ça ne m’échappe pas qu’il reste très présent dans la gouvernance régionale… Je ne sais pas si je dois me nourrir de beaucoup d’espoirs, mais j’ai envie de tenter. Pas par naïveté, mais parce que les acteurs culturels et les publics ont besoin que la Région revienne, y compris dans les métropoles. 

J’étais cette semaine au comité de pilotage de la Villa Gillet. Le résultat de la baisse unilatérale de la Région, c’est qu’il y a plein de lycéens qui n’auront plus accès à l’excellence de la littérature française et internationale que proposait la Villa Gillet dans sa médiation et dans ses projets.

Il y a une forme de contre-vérité à dire que ça rééquilibre les budgets entre les métropoles et la ruralité, parce que les équipements qui ont été baissés, je pense aussi aux Biennales, bossaient avec les territoires ruraux. 

Les acteurs culturels de cette métropole sont des gens qui partagent, qui ont envie d’aller à la rencontre de tous les publics. C’est venu pénaliser les habitantes et habitants de la région. 

C’est une fake news de dire que l’on rééquilibre. J’essaye d’être très raisonnable dans mes propos, car si jamais le nouveau président et la vice-présidente, avec laquelle les liens n’ont jamais été coupés — on voit bien que les arbitrages lui échappaient —, sont prêts à réouvrir les discussions, tout le monde reviendra autour de la table. On ne doit pas jouer politiquement avec la culture. C’est une erreur. 

Revenons sur le Transbordeur et ce gros changement, qui ne se verra sans doute pas côté public, qu’est le passage de cette salle de la Ville de Lyon à la Métropole. Pourquoi cette volonté ? Est-ce qu’il y a des changements à venir ?
CDS : Comme pour la Chapelle de la Trinité, c’est d’abord une volonté de rationaliser les questions de propriété. Le Transbordeur, c’est à Villeurbanne, propriété de la Métropole, c’est géré en DSP par la Ville de Lyon. Ça fait beaucoup d’acteurs quand-même ! C’est bien que celui qui en est propriétaire devienne celui qui gère la DSP. 

Quand on en a parlé avec la Ville de Lyon, ça n’a pas fait l’objet de beaucoup de débats. On arrivait au moment du renouvellement de la DSP, voilà. C’est comme pour la Chapelle de la Trinité : la Métropole est propriétaire du bâtiment, on a proposé de le reprendre en gestion mais sans écarter la Ville de Lyon, puisqu’on leur a proposé d’être signataires avec nous du nouvel appel à manifestation d’intérêt. L’élue en charge de la culture à ce moment-là a participé au jury et on a choisi ensemble les équipes. 

Il y a une question patrimoniale. Et ça nous intéresse d’avoir un lieu dédié à la jeunesse, autour des enjeux culturels. On va relancer une DSP, mais on est très satisfait de ce que fait l’équipe actuelle. Notre objectif n’est pas de changer ce qui est proposé aujourd’hui en matière de programmation culturelle.

Après, on peut réfléchir à des enjeux d’ouverture. Le Transbordeur a commencé à travailler sur ses extérieurs, ça m’intéresse qu’à l’avenir les prochaines équipes aillent plus loin. Y compris en lien avec les nouvelles voies lyonnaises, avec le parc de la Tête d’Or. C’est un endroit, urbanistiquement parlant, qui n’est pas totalement fini. Avoir un équipement culturel qui déborde de la salle pour venir sur l’espace public, dans une logique de gratuité, ça fait partie des réflexions.

Le Transbordeur reste l’une des 50 salles mythiques en France, c’est un bijou, il faut que ce patrimoine soit entretenu à la hauteur de son histoire, de ce qu’il représente, des souvenirs qu’il a créé chez beaucoup de grands lyonnais. Mon premier concert en tant que jeune rural qui arrivait, c’était PJ Harvey au Transbordeur : ça marque. C’est un lieu mythique.

Le Transbordeur fait un énorme travail sur le public jeune, sur tous les registres, de programmation culturelle mais aussi de lutte contre les violences sexuelles — ce sont des pionniers là-dessus —, sur les questions d’accès à la culture.

C’est une opportunité au niveau patrimonial, mais aussi stratégique d’avoir ce lieu en phase avec nos orientations culturelles. 

il y a eu un audit sur les travaux à réaliser : quelles en sont les conclusions ?

CDS : Les travaux à faire, ça fait partie des discussions que l’on a avec celui qui assurait la DSP. C’est en train de se traiter. Il va y avoir des travaux, ceux de sécurité sont nécessaires on le sait, mais on ne sait pas encore de quelle ampleur. Ensuite, on doit se mettre d’accord avec l’ancien gestionnaire qui doit nous transmettre un bien. Ce sont des discussions en cours. De toute façon on va atterrir, tout le monde a des obligations dans ce dossier. 

On nous parle de tensions avec la Ville de Lyon sur ce sujet ?

CDS : Les tensions n’ont pas porté sur la passation de la DSP, elles portent sur des fonciers aux alentours, il y a des discussions en cours. C’est très habituel entre deux collectivités que chacun défende ses intérêts. Ce ne sont pas des tensions politiques, mais des tensions techniques.

Il y a de très bons fonctionnaires qui défendent très bien leurs collectivités. Ça frictionne mais c’est normal. Je m'entretiens très régulièrement avec Audrey Henocque [NdlR : nouvelle adjointe à la Culture de la Ville de Lyon], à ce sujet, on va trouver. 

Lire notre article sur le Transbordeur repris par la Métropole de Lyon

Autre sujet qui peut inquiéter les amateurs de musiques actuelles, la fin annoncée des nuits et des festivals au Double Mixte, qui veut se consacrer aux salons. Ce qui met en difficulté un festival emblématique, Reperkusound, qui pour l’instant ne peut plus s’y tenir et fêter ses vingt ans l’année prochaine. Vous avez décidé de prendre langue avec le propriétaire : est-ce que l’on a une chance de voir Reperkusound au Double Mixte en 2025 ?

CDS : Le sujet du Double Mixte est extrêmement complexe. On est sur un bail emphytéotique avec l’État, et l’État tarde à dire ce qu’il veut faire sur ce lieu. Reperkusound se retrouve au milieu de cette tension entre le propriétaire du bail emphytéotique et l’État qui est propriétaire du lieu, car tout le monde n’est pas d’accord sur le calendrier. 

Aujourd’hui, il y a des questions d’investissements dans ce lieu, pour qu’il soit mis en conformité avec la sécurité d’événements de cette nature, qui n’arrivent pas à se trancher car l’État ne répond pas et ne dis pas ce qu’il veut faire. Ça a bloqué à un moment. 

Avec le président Bruno Bernard, nous sommes intervenus auprès des propriétaires pour renouer le dialogue. De ce que l’on me dit, c’est le cas et j’ai bon espoir qu’on atterrisse. Les deux interlocuteurs m’ont dit que ça se passait bien. Il y a des demandes d’évolutions qui sont nécessaires pour des raisons de sécurité. Tout le monde sait que je souhaite que la prochaine édition de Reperkusound puisse se tenir au Double Mixte. Je remercie aussi les propriétaires : ils sont dans une situation complexe. 

Ça pose la question du devenir du Double Mixte, et je fais partie de ceux, j’ai eu l’occasion de le faire dire par la voix de ma première adjointe au comité de pilotage qui s’est déroulé il y a peu, qui souhaitent que nous ayons une décision qui soit prise avant l’échéance du bail, pour l’instant prévue en 2037. 

C’est beaucoup trop loin pour que l’on attende de savoir ce que va devenir le Double Mixte. Personne ne peut attendre si longtemps, et si le Reperkusound peut permettre que l’on se dise enfin ce que l’on fait de ce lieu, j’en serais content. Pour 2025, on va trouver une solution. Pour la suite, en fonction des décisions des uns et des autres, soit ça permettra au festival de se projeter, soit il faudra trouver un autre lieu. 

Je ne pense pas que Les Grandes Locos soient le lieu le plus adapté, tant qu’on n’a pas la halle fermée, pour des questions de nuisances sonores. La maire de La Mulatière est très sensible à cela. 

Le Double Mixte, ce n’est donc pas que la question de Reperkusound. 

Pour la Cité Internationale des Arts du Cirque, il manquait 6 M€ sur les 20 M€ prévus au total, où en est-on ? Est-ce que les délais seront tenus ? Il est toujours prévu de faire émerger ce projet en deux phases ?

CDS : On garde la même ampleur que celle prévue initialement, mais on a séparé le projet en deux phases. Nous n’avons pas les 6M€ manquants. L’État et la Métropole ont maintenu chacun un engagement à hauteur de 7M€, on a donc cette première enveloppe. 

On lance la consultation et l’équipe d’architectes sera retenue avant l’été 2025. C’est conforme aux délais que l’on avait annoncés. Le festival Utopistes en 2025 commencera à préfigurer ce que pourrait être la Cité Internationale des Arts du Cirque côté événements. L’équipe se projette super bien, elle a commencé à bosser sur la programmation. C’est un projet qui roule. 

Si le nouveau président de Région voulait bien revenir sur les arbitrages précédents, on serait ravis : il reste 6 M€ à trouver, on ne les a pas.

Comment se passe l’arrivée de la nouvelle équipe aux Nuits de Fourvière ? Êtes-vous satisfaits ? Est-ce que le projet un temps évoqué de passer en DSP au moment de la retraite de Dominique Delorme, l’ancien directeur, est toujours d’actualité ?
CDS : Ça se passe super bien. À la Métropole, nous sommes enchantés par la nouvelle équipe. Nous sommes aussi extrêmement reconnaissants envers Dominique Delorme de la manière dont il a passé la main. Il fait partie de ceux qui savent partir et transmettre. Tout le monde lui doit une fière chandelle. Il a été très classe dans la manière de gérer la succession, du coup Emmanuelle Durand et Vincent Anglade ont pu prendre pleinement le pilotage de ces Nuits de Fourvière. 

Les chiffres de fréquentation sont bons, les innovations amenées comme la résidence artistique à Vaulx-en-Velin qui précédait les Nuits avec le Collectif XY, ça a super bien marché ; les Petites Nuits avec les familles, ça a rencontré son public. Ils ont commencé à amener des esthétiques différentes, ils testent. Leur concept de soirée du samedi avec plusieurs plateaux pour qu’on vienne à un mini-festival, ça va être ajusté, mais ça a aussi rencontré son public.

Ils nous ont fait partager des créations, dont certaines ont été initiées par Dominique Delorme. On voit une ambition très importante sur la co-production. C’est une super transition. Et l’équipe en place se fait plaisir et fait plaisir aux grands lyonnais. Félicitations à la nouvelle équipe et remerciements à Dominique Delorme ! Ce n’est pas facile de partir après vingt ans, j’en sais quelque chose.

Pas de volonté de passer en DSP, donc ?
CDS : Pas du tout. Les Nuits font partie des acteurs culturels à qui on demande un effort pour l’exercice 2025, auxquels ils ont répondu de manière très pro. Il n’est absolument pas question de modifier aujourd’hui le modèle des Nuits de Fourvière, nous sommes très satisfaits. 

Au musée Lugdunum, où en sommes-nous de la volonté de repenser le parcours ?

CDS : L'équipe fait un boulot de malade avec un équipement vieillissant. Elle est capable de faire de grandes choses, on le voit. On a lancé des études, pour revoir le parcours permanent. Il va falloir trancher avant la fin de cette année ou courant 2026 pour savoir quelle est l’ambition que l’on se donne sur le parcours permanent. 

Je suis de ceux qui pensent qu’il est nécessaire d’investir dans ce musée. Bien sûr qu’il peut être perçu comme vieillot… Mais ces vieilles pierres nous racontent notre humanité commune, il y a un enjeu à accompagner les efforts de cette équipe pour donner à voir une véritable modernité dans ce qu’elles font. Refaire ce parcours permanent reste tout à fait d’actualité, même si on n’a pas pu le faire sur ce mandat. 

Le Festival Lumière : est-ce qu’il y a toujours des discussions autour de la Cité du Cinéma ?
CDS : Nous sommes ravis d’accueillir Isabelle Huppert en octobre prochain, qui sera la prochaine Prix Lumière, puisque c’est l’un des seuls prix où l’on connaît à l’avance le lauréat, récompensé pour un parcours, une œuvre. On découvre les invités d’honneur, ça va être encore une très belle édition. 

Ce festival a une aura incroyable. Depuis que Tim Burton dit qu’il a retrouvé là le goût du cinéma ici, c’est sûr que d’un seul coup ça le met à un niveau stratosphérique ! C’est bien pour le cinéma français.

Après, la Métropole ne s’est jamais positionnée sur la question de l’Institut Lumière, elle a toujours laissé cela à la Ville de Lyon. On a accompagné, car on a refait le musée Lumière et on a participé au financement de la salle de cinéma refaite. On regarde ça avec attention, mais on laisse le soin à la Ville de Lyon de nous dire qu’elle est son intention pour la suite. Je ne me prononcerais pas sur l’éventuelle création d’un musée de la photographie ou autre, puisque ça faisait aussi partie des idées en cours. 

Nous sommes satisfaits de ce qu’il se passe sur le Festival Lumière, de sa programmation, son rayonnement métropolitain. Pour l’Institut, c’est à la Ville de donner le tempo, il sera ensuite temps de voir comment la Métropole se positionne.

À la Ville de Lyon, votre interlocutrice a changé : Audrey Henocque a remplacé Nathalie Perrin-Gilbert. Ça change quelque chose pour vous dans votre quotidien de vice-président à la Culture ?
CDS : Je n’ai jamais eu de désaccords avec la Ville de Lyon sur les questions de politique culturelle. Globalement, on arrivait toujours à trouver des arbitrages qui correspondaient aux orientations entre Grégory Doucet et Nathalie Perrin-Gilbert. 

Aujourd’hui, j’ai une interlocutrice et il ne m’est pas nécessaire de vérifier s’il y a besoin d’autres validations. J’ai quelqu’un qui est capable de s’engager en son nom et c’est plus fluide.

Propos recueillis par Sébastien Broquet

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